Monsieur de Pourceaugnac
Texte : Molière
Musique : Lully
Mise en scène : Clément Hervieu-Léger
Direction musicale : William Christie
Création le 17 décembre 2015 au Théâtre de Caen
Note d’intention
C’est alors que nous venions de créer La Didone de Cavalli au Théâtre de Caen que William Christie m’a fait connaître son envie de travailler avec moi sur une comédie-ballet de Molière et Lully. Le plaisir que nous avions eu à répéter ensemble au cours de ces dernières semaines, ainsi qu’une connaissance et un intérêt partagés pour le répertoire du XVIIème siècle français, rendaient évidente cette nouvelle collaboration.
Notre choix s’est immédiatement arrêté sur Monsieur de Pourceaugnac. Créée par la troupe de Molière « pour le divertissement du Roi » le 6 octobre 1669 à Chambord, cette pièce en trois actes, rarement montée aujourd’hui, reprend quelques-uns des grands thèmes moliéresques : le mariage, l’argent, la maladie. Arrivé de Limoges pour épouser la jeune Julie, Pourceaugnac est aussitôt la proie de Sbrigani et Nérine, gens d’intrigue payés par l’amant de la belle pour empêcher ce mariage arrangé. Livré tour à tour à des médecins, un apothicaire, une femme picarde, une autre languedocienne, des gardes suisses, des avocats, un exempt, deux archers, le provincial, perdu dans les rues de la capitale comme dans sa propre tête, n’aura finalement pas d’autre solution que de fuir Paris travesti en femme. Sous la forme d’une simple comédie, inspirée de canevas italiens (Policinella pazzo per forza et Pulcinello burlato) et agrémentée de musique et de danse, Monsieur de Pourceaugnac est sans doute l’une des pièces les plus sombres et les plus cruelles que Molière ait écrites : trois actes d’une implacable descente aux enfers qui conduisent Pourceaugnac à ne plus savoir lui-même qui il est. Cette impression d’inéluctabilité de la fin à la fois tragique et grotesque du personnage de Pourceaugnac, que vient contrebalancer l’heureux mariage d’Eraste et de Julie, est considérablement accentuée par la place que Molière et Lully donnent ici à la musique. Contrairement à d’autres comédies- ballets, la musique ne joue pas, dans Monsieur de Pourceaugnac, un simple rôle d’ornement, mais fait intrinsèquement partie de la dramaturgie de la pièce. Il faut ainsi considérer les moments chantés comme des scènes à part entière et non comme de simples « intermèdes » dont nous pourrions faire l’économie. On songe à ces sarabandes carnavalesques qui grisent les danseurs masqués d’un jour jusqu’à la folie. C’est cette imbrication entre la musique et le théâtre qui fait, pour William Christie et moi, l’intérêt singulier de cette œuvre. Tandis que l’opéra naissant va peu à peu faire primer la musique sur le théâtre, Molière et Lully réussissent dans cette œuvre cette incroyable gageure : faire de la musique du théâtre.
Partant de cette réflexion, il nous semblait impossible de constituer deux équipes distinctes, l’une composée de chanteurs et l’autre de comédiens. Mettre en scène Monsieur de Pourceaugnac, c’est d’abord renouer avec un esprit de troupe cher au « patron » de l’Illustre Théâtre. C’est faire en sorte que l’on ne puisse plus distinguer qui chante de qui joue. J’ai, pour cela, choisi d’imaginer autour du personnage de Sbrigani, une bande de ragazzi italiens, rompus aux manœuvres et aux stratagèmes, s’amusant à inventer à vue tous ces personnages extravagants auxquels se trouve confronté Pourceaugnac. Travestissements, menaces, accents feints, couplets chantés, danses : tout participe à cette sombre mascarade. J’avais, par ailleurs à cœur, de sortir la forme de la comédie-ballet de l’inévitable esthétique baroque. Bien que je ne sois pas un tenant de la transposition à toute force, j’ai choisi d’inscrire cette histoire dans le Paris de la fin des années 1950. A cette époque, en effet, la différence entre Paris et la province est encore extrêmement marquée et il n’est pas rare de rencontrer un bourgeois provincial n’ayant jamais mis les pieds dans la capitale, ce qui est le cas de Monsieur de Pourceaugnac. A cette époque, également, les mariages arrangés sont encore fréquents mais les jeunes filles, comme Julie, sont de moins en moins décidées à s’y soumettre. A cette époque enfin, nombre d’immigrés italiens ont gagné la France au lendemain de la guerre, continuant de parler entre eux leur langue maternelle. Le choix des années 1950-1960 permet, en outre, une certaine légèreté de costumes et de décor particulièrement adaptée au rythme frénétique de la pièce.
En montant Monsieur de Pourceaugnac, nous souhaitons avec William Christie mener une réflexion commune sur ce que peut être aujourd’hui le genre de la comédie-ballet. Nous avons pour cela décidé de penser ce projet, non pas comme un opéra, mais comme une véritable production théâtrale, notamment en ce qui concerne la distribution, l’organisation des répétitions ou le mode de représentation.
Clément Hervieu-Léger
L’équipe
Mise en scène : Clément Hervieu-Léger
Direction musicale : William Christie
Décors : Aurélie Maestre
Costumes : Caroline de Vivaise
Lumières : Bertrand Couderc
Chorégraphie : Bruno Bouché
Maquillage et coiffure : David Carvalho Nunes
Avec :
Erwin Aros, haute-contre
Cyril Costanzo – apothicaire, avocat, archer, basse
Claire Debono – soprano
Stéphane Facco – médecin, Lucette, suisse
Matthieu Lécroart – médecin, avocat, exempt, baryton-basse
Juliette Léger – Julie
Clémence Boué – Nérine
Gilles Privat – Monsieur de Pourceaugnac
Guillaume Ravoire – Eraste
Daniel San Pedro – Sbrigani
Alain Trétout – Oronte
Et :
L’ensemble Les Arts Florissants (10 musiciens)
Production C.I.C.T. – Théâtre des Bouffes du Nord
Coproduction Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Les Arts Florissants, Théâtre de Caen, Château de Versailles. Spectacle; Châteauvallon – Scène Nationale, Théâtre Impérial de Compiègne
Coproduction et accueil en résidence à l’Etable: Compagnie des Petits Champs
Construction décors: Les Ateliers des Théâtres de la Ville de Luxembourg
Action financée par la Région Ile-de-France
Avec le soutien d’Arcadi Ile de France
Revue de presse
« Le spectacle joliment chanté, joué, dansé est alerte, insolent, semblant étonnament jeune et vif malgré les siècles. Ne pas manquez cette rareté peu souvent à l’affiche. » TELERAMA
« Les musiciens et chanteurs sont parfaits, sensibles et très bons comédiens. Et dans le rôle-titre, Gilles Privat est magistral. » LE FIGARO
« Brillantes retrouvailles entre théâtre et musique. » LES ECHOS
« Une production de grande qualité. Un spectacle fluide et vif. » FIGAROSCOPE
« Un mélange des genres réussi. Clément Hervieu-Léger prend la parti audacieux de transposer la comédie dans les années 50, lui donnant un ton alerte, des accents modernes, portés par l’implication des comédiens et des musiciens unis dans l’aventure comme sont unis, à parts égales, musique, théâtre et danse. » LE JOURNAL DU DIMANCHE
« Un spectacle réjouissant, brillamment interprété par Gilles Privat. » L’EXPRESS
« Clément Hervieu-Léger bouscule les règles du genre pour en exalter la modernité et signe un spectacle aussi drôle que définitivement glacant. » LES INROCKS